Aux Comores, comme sur tout le continent africain, les musiques ont toujours rythmé la vie des sociétés et peuvent difficilement être dissociées des danses qu’elles accompagnent. Elles témoignent de cette profonde diversité culturelle de l’aire swahili, correspondant aux peuplements et influences qui se sont succédé puis mélangés dans l’archipel.


Les genres traditionnels les plus anciens de la musique comorienne puisent dans les traditions yéménites et iraniennes. Au cours du XIXème siècle, d’autres styles se sont développés à partir de la main d’œuvre bantou importée du continent pour les travaux des plantations, d’abord en esclavage puis en travailleurs “engagés”. Toutes ces musiques sont interprétées lors de cérémonies marquant les différentes étapes du développement de l’individu, mais certaines d’entre elles sont réservés exclusivement aux femmes (“deba”, lelemama”, “wadaha”, “bora”...), d’autres exclusivement aux hommes (“mshogoro”, “shigoma”, “zifafa”, “sambe”...).

Cette séparation entre les sexes est légèrement atténuée dans les musiques et danses d’héritage bantou. Selon le musicologue Moussa Said Ahmed, la chanson comorienne comporte plusieurs genres musicaux. De la vie à la mort, elle rythme la vie du Comorien. À sa naissance, il est accueilli par le “himbiya ikosa”, sorte de berceuse destinée à aider la femme qui est en train d’accoucher. Et à sa mort, il est salué par le “idumbiyo”, une chanson funèbre et très triste.

M. Said Ahmed note que de nombreuses musiques et danses, comme le “sambe”, le “tari” ou le “mshogoro” par exemple, sont interprétées à l’occasion des grandes cérémonies coutumières. Qu’une danse comme l’“ikwadou”, autrefois interprétée par les esclaves, est aux Comores ce que le “maloya” est à La Réunion, avec sa charge revendicative, sa fonction de rassembleur du petit peuple et de constructeur de solidarités.

La scène musicale comorienne connaît une profonde mutation dans les années 60, avec le retour massif des Comoriens immigrés en Tanzanie, et notamment à Zanzibar, qui rapportent avec eux le “twarab” (de l’arabe tariba : être ému). À l’origine chanté en arabe, puis en kiswahili, ce genre est bientôt adopté dans tout l’archipel.

Il est intégré aux cérémonies du “Grand mariage” et, poussés par les autorités, certains auteurs se mettent à écrire des chansons de “twarab” en comorien. De même que leurs cousins les orchestre de “taarab” (orthographe adopté par les anglophones) de Zanzibar, Dar es-Salaam ou Mombasa, qui sont organisés en clubs (influence britannique oblige), les orchestres comoriens de “twarab” regroupent sur le mode associatif (francophonie aidant) des musiciens amateurs jouant essentiellement pour leur plaisir.

Dans les années 80, les Comores assistent à la naissance d’un nouveau courant musical, qui s’inspire de la musique folk occidentale. Précurseur et leader de ce mouvement, Abou Chihabi adapte l’ancienne chanson de satire aux harmonies et à la vie contemporaines.

Dans ses textes, il fustige l’injustice sociale et la discrimination raciale. Sa notoriété se forge d’abord dans les pays d’Afrique de l’Est (Tanzanie, Kenya, Ouganda...), comme c’est le cas de la plupart des musiciens comoriens nées après 1950. En 1976, il accède au statut de star dans son pays, lorsque sa chanson est choisie au concours organisé par le président Ali Soilih pour donner aux Comores son hymne national. Mais il doit quitter précipitamment Moroni deux ans plus tard, après le renversement du pouvoir qu’il avait servi. D’abord exilé au Kenya, Abou Chihabi s’installe en France en 1980 et remporte le grand prix des Découvertes de RFI l’année suivante. La carrière qu’il entreprend alors dans les pays francophones avec son groupe Folkomore, s’appuie sur un répertoire mêlant le reggae à la chanson comorienne.